Flamboyant avec le FC Kuban et les Eléphants, le défenseur polyvalent ivoirien va participer à sa première CAN dans moins d’un mois. Une première qu’il veut transformer en sacre. Motivé, l’ex-Académicien s’est confié à sport-ivoire.ci. Un entretien dans lequel il évoque sa vie en Russie, les Eléphants et son coéquipier Marco Né.
Tu as rejoint le FC Kuban en cours de saison. Cela ne t’a pas empêché d’être performant d’entrée et d’arracher une place de titulaire. Explique-nous cette adaptation à grande vitesse…
C’est vrai, je me suis très vite adapté. Mais, en arrivant à Kuban, j’avais un challenge à relever. Je venais du Championnat de France, je devais tout faire pour justifier la confiance que les dirigeants ont placé en moi. Comme je savais aussi que ce n’était pas facile de s’imposer dans un club européen comme ça, quand le coach m’a donné ma chance, je l’ai saisie. J’ai donné le meilleur de moi-même. De toute façon, j’avais intérêt puisque mes compatriotes Marco (Né) et (Lacina) Traoré étaient très performants. Là-bas, on met tout en œuvre pour être à la hauteur et faire honneur à notre pays.
Quelle idée avais-tu du FC Kuban avant d’atterrir en Russie ?
Je n’avais vraiment pas d’idées établies. Je savais juste que c’était le club de Marco (Né). Comme on se connait depuis l’Académie, je me suis renseigné auprès de lui. Il ne m’a dit que du bien du club et m’a encouragé à le rejoindre. Quand je me suis rendu sur place, j’ai pu m’apercevoir que Kuban était un club sérieux avec de belles infrastructures sportives. J’ai donc décidé de relever le challenge qu’on me proposait. Aujourd’hui, je ne regrette pas. On a fait un très bon Championnat en se qualifiant pour les Play-offs.
Cette performance a-t-elle surpris les dirigeants ?
Un peu, je crois. En début de saison, le club avait plus pour objectif le maintien. Il venait de la deuxième division. Moi, avant d’y débarquer, j’avais pu remarquer que Kuban réalisait un beau parcours. Ça a fait partie des raisons qui m’ont motivé à signer là-bas. Quand je suis arrivé, je devais donc être dans le bain tout de suite afin de prolonger la bonne marche de l’équipe. Dieu merci, on a aligné les bonnes performances pour s’offrir notre ticket pour les Play-offs.
Et vous attaquerez ces Play-offs avec quel objectif ?
On sera huit à se disputer le titre de champion et les places européennes. L’appétit venant en mangeant, il s’agira pour nous de lutter pour arracher une place dans une des deux Coupes européennes. C’est vrai que tous nos adversaires sont plus expérimentés que nous, mais on a nos qualités, nos talents à nous. On possède une très belle équipe qui peut créer la surprise.
« LA FRANCE ME MANQUE »
As-tu été surpris par le niveau du Championnat russe ?
Je n’ai pas été surpris. Avant même de partir au FC Kuban, je savais déjà que le Championnat russe était d’un très bon niveau et d’une grande qualité. Ce n’est pas pour rien que les clubs russes sont performants dans les compétitions européennes. Contrairement à ce que certains peuvent penser, ce n’est pas un Championnat facile. Pour y réussir, il faut être vraiment fort.
Tu aurais pu rester à Monaco ?
Oui. Je n’étais pas disposé à partir coûte que coûte. Mais, je n’ai pas pu m’entendre avec les dirigeants sur un certain nombre de choses. Les discussions qu’on a eues n’ont pas été concluantes. Et quand le challenge de la Russie s’est présenté, j’ai sauté dessus. Je continue toutefois de suivre Monaco. Et je suis peiné de voir le club dernier de Ligue 2. Ça me fend vraiment le cœur. Je souhaite vivement que Monaco se maintienne. Après, je sais qu’il retrouvera l’élite très rapidement.
Certains ont laissé entendre que tu as abandonné Monaco parce que le club était relégué en deuxième division ?
Pas du tout. J’aurais vraiment bien voulu continuer avec le club même en Ligue 2. Mais, comme j’étais en fin de contrat et que je ne suis pas parvenu à un accord avec les dirigeants, mon départ s’imposait. Monaco, c’est un grand club. J’étais prêt à jouer en Ligue 2. Ça ne me gênait vraiment pas.
Aujourd’hui, la France te manque ?
Oui, la France me manque. Il ne faut pas se mentir. Ça me manque d’autant plus que ma famille vit là-bas. Je suis tout seul en Russie. Mais, je commence à bien me sentir là-bas. Le Championnat est d’un bon niveau et je suis dans un club qui marche bien. Le seul problème, c’est que le Championnat russe n’est pas assez médiatisé comme celui de la France.
Toi qui a joué en Belgique, en Ukraine, en France et maintenant en Russie, quelle comparaison peux-tu établir entre les Championnats de ces différents pays ?
Pour moi, la France et la Russie ont un Championnat de bon niveau. Ensuite vient l’Ukraine. Le Championnat belge, je le trouve assez inférieur à celui de ces trois pays. Mais, la Belgique possède de belles équipes comme Anderlecht ou le Standard de Liège.
Aujourd’hui, as-tu des nouvelles de tes anciens coéquipiers de l’Académie et de Beveren qui n’ont pas percé au haut niveau ?
J’ai les nouvelles de quelques uns comme Diabis, Séka. J’essaie vraiment d’avoir des nouvelles de tout le monde, Mohamed Gbané et autres. J’ai perdu d’autres de vue et dont je n’ai pas des nouvelles. Mais, il faut dire que ce n’est pas facile. Ce sont des amis à moi. On a tous grandi à l’Académie. On est comme une famille. Chaque fois qu’on se voit, on est content de se retrouver, évidemment.
« ON SERA NOTRE PROPRE ADVERSAIRE »
Lolo on va mettre le pied dans le plat. Penses-tu que la Côte d’Ivoire est capable de remporter la CAN 2012 ?
Oui, elle est capable et a les moyens de remporter cette CAN. Mais, ce n’est pas en le disant dans la bouche qu’elle la remportera.
Mais c’est en faisant quoi ?
Il faut y aller avec ambition et la volonté de réaliser quelque chose de grand. C’est aussi simple que ça.
Mais, est-ce que c’est le cas actuellement chez vous les joueurs ?
Je vais vous faire une confidence : jamais on n’a été aussi motivés. Tout le monde n’a qu’une idée bloquée dans la tête. On s’est dit qu’on va à cette CAN pour la gagner. On doit revenir avec cette CAN. Il n’y a pas d’autres alternatives. J’ai parlé avec Kolo, Maestro, Yaya et tous les cadres de l’équipe. Tout le monde est vraiment motivé et décidé à remporter cette CAN. Cela nous tient vraiment à cœur. Tout le monde est décidé à aller chercher cette Coupe.
On peut donc dire que la Côte d’Ivoire est la super favorite du tournoi ? Les Ivoiriens peuvent dormir tranquilles ?
Ça, c’est d’abord l’avis de vous les journalistes. Les gens disent ça aussi à cause de la qualité des joueurs qui forment l’équipe. Mais, nous, on sait qu’il ne suffit pas d’être étiqueté super favori pour gagner une compétition. La vérité, le favori c’est sur le terrain.
On a justement l’impression que ce statut de favori à jouer des tours aux Eléphants lors des CAN passées…
Je ne crois pas. Nos échecs passés sont dû à d’autres choses. Je ne pense pas que le fait qu’on soit vu à chaque fois comme les favoris amènent les joueurs à donner moins ou à se mettre une pression déstabilisante. Je ne crois pas. De toute façon, l’équipe a appris de ses échecs. On sait désormais ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas.
Dans ce cas, qu’est-ce qui peut empêcher la Côte d’Ivoire d’être sacrée championne d’Afrique au Gabon ?
D’abord, il ne faut pas sous-estimer les autres équipes. On s’attend à affronter une adversité féroce. Tout le monde va à la CAN pour gagner. Mais, franchement, ce qui peut empêcher la Côte d’Ivoire d’être championne d’Afrique, c’est elle-même. On sera notre propre adversaire. Si on joue unis, solidaire, avec rage et envie, je vois mal comment on ne remportera pas ce trophée.
En disant cela, c’est une façon de confirmer que les Eléphants ont par le passé manqué d’envie, de solidarité et de volonté ?
Non, pas du tout. C’est par amour que tout le monde vient en sélection. Il ne suffit pas d’être heureux dans son club. L’équipe nationale, c’est une autre dimension. Je dis seulement que nos expériences dans les CAN passées ont ouvert nos yeux et amener les joueurs à se poser les bonnes questions. Aujourd’hui, on est plus expérimentés et matures.
« ZAHOUI AIME LE TRAVAIL BIEN FAIT »
Peut-on parler de CAN de la dernière chance pour votre génération ?
Ce n’est pas la CAN de la dernière chance. Personne n’est en fin de carrière. Que ce soit Drogba, Kolo, Maestro, Chico, Yaya, personne n’a dit qu’il arrêtait avec la sélection après cette CAN. Mais dans le même temps, on est tous conscient qu’on a là une belle opportunité pour dominer l’Afrique et copier l’exemple de nos aînés de 1992.
Qu’est-ce qu’on ressent quand on va disputer sa première CAN comme ça sera ton cas ?
On est heureux et content. Mais, il ne faut pas se laisser dominer par les émotions. Il faudra aller faire de bonnes performances, donner le meilleur de soi-même pour le bonheur de l’équipe. Il n’est pas donné à n’importe qui de disputer une CAN ; quand on a donc cette opportunité, on doit donner le meilleur de nous même. Il ne faut pas aller accompagner les autres. Dans un groupe, la concurrence est une bonne chose. Elle permet de se surpasser, de se remettre en cause perpétuellement. En tout cas, moi, je suis prêt à laisser ma peau sur le terrain. Je serai vraiment heureux de revenir avec le trophée de la CAN à Abidjan pour ma première participation à cette compétition. Ça sera quelque chose de formidable.
Enfant, tu as aussi rêvé de participer à cette compétition comme la plus part des footballeurs africains ?
Ah oui ! Moi, j’ai toujours rêvé de jouer une phase finale de CAN dans ma vie. Cette fois-ci, je n’en suis pas loin. Je prie Dieu pour avoir la santé d’y être.
En règle générale, les professionnels africains ont très peu de considération pour les sélectionneurs africains. Penses-tu que Zahoui jouit d’un respect auprès des joueurs que vous êtes ?
Je peux le confirmer : Zahoui est respecté par le groupe. Il n’y a pas de défiance à son égard. Ce n’est pas parce qu’il est noir qu’on ne va pas le respecter. Il a les mêmes qualités et aptitudes que les entraineurs européens. Il a évolué au haut niveau. On sait que lui aussi a un grand challenge à relever. C’est à nous les joueurs de l’aider à réussir sa mission.
Quel discours vous tient-il ?
Moi, j’aime bien ses méthodes de travail et son discours. C’est un entraineur qui sait parler aux joueurs et qui aime le travail bien fait. Il nous connait bien aussi. Maintenant, c’est à nous les joueurs d’appliquer sur le terrain ce qu’il nous dit et de rendre de la meilleure des façons le travail qu’on effectue lors des entrainements.
Aujourd’hui, quelle est l’ambiance au sein des Eléphants ? C’est la guerre froide entre les joueurs, comme certains le disent ?
Cette question est revenue à la surface suite à ce qui s’est passé en Afrique du Sud entre Maestro et Yaya. Mais, sachez qu’on s’entend très bien. Le groupe vit bien et il y règne vraiment une superbe ambiance. Dans toute famille, il arrive souvent que certains membres se disputent. Mais il n’y a vraiment rien de méchant.
« MARCO EST UNE MERVEILLE, UN PUR REGAL »
Aujourd’hui, il y a un petit débat autour de Marco Né. Toi qui est son coéquipier en club, peux-tu nous dire ce qu’il a réussi à Kuban ?
Honnêtement, Marco nous a beaucoup aidés. Il est pour beaucoup dans la superbe saison que Kuban a réussie. C’est notre métronome, la plaque tournante de l’équipe. D’ailleurs, chaque fois qu’il a été absent, l’équipe a souffert. C’est vous dire toute son importance. Marco est un joueur talentueux. Il apporte beaucoup à une équipe.
C’est quoi son profil ?
Marco est avant tout un milieu de terrain polyvalent. C’est un joueur qui peut jouer à tous les postes du milieu. S’il peut évoluer comme milieu défensif ou meneur de jeu excentré, je pense qu’il est extraordinaire dans un rôle de meneur de jeu derrière l’attaquant. Il est technique, joue juste, possède une bonne vision de jeu et se distingue par la qualité de ses passes. Moi, je joue avec lui tous les jours : c’est une merveille, un régal.
Tu le vois jouer un grand rôle en équipe nationale ?
Absolument ! Marco peut nous apporter beaucoup. Il a le talent pour. Mais, je ne suis pas le sélectionneur. C’est lui qui décide. C’est à lui de voir s’il doit le sélectionner. Mais, je sais que ce sera une bonne idée que de voir Marco en sélection.
Avec la saison qu’il a faite, certains sont surpris qu’il soit ignoré par le sélectionneur. C’est aussi ton cas ?
Je ne peux pas dire que ça me surprend parce qu’il y a de très bons joueurs aussi en sélection. Maintenant, c’est le sélectionneur qui doit voir comment insérer Marco dans son équipe. Moi, c’est un joueur que je côtoie quotidiennement, je peux seulement assurer que c’est un super joueur avec une bonne moralité, un bon état d’esprit et très humble.
Par Abdoul Kapo site www.sport-ivoire.ci